Aiden C. entre dans le box et s’assoit machinalement sur le banc. Le président le rappelle à l’ordre – « Levez-vous ! » –, et ajoute immédiatement, sarcastique : « Enfin si vous n’êtes pas trop fatigué ! » Le prévenu comparaît pour transport de stupéfiants dans le cadre d’un trafic. — Est-ce que vous travaillez ? — Non.
De nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux sont envoyées en prison après avoir été jugées en comparution immédiate. À travers deux récits d’audience, on revient sur cette question, qui croise la notion problématique de « dangerosité », la présence – ou non – d’expertise psychiatrique dans le dossier et l’illusion des magistrats que la prison peut être un lieu de soin.
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, mai 2024. Ridah R. comparaît pour violences sans interruption totale de travail, en récidive légale. Avant d’aborder les faits, le président tient à poser une question préliminaire : — À la lecture du dossier, je m’interroge : vous n’êtes pas suivi sur le plan psychique ou psychiatrique ? — Je vais très bien ! Physiquement et mentalement ! Le président répète en souriant « Vous allez très bien… »,
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, août 2024 Les deux garçons d’une vingtaine d’années qui comparaissent dans le box jettent des regards anxieux vers leurs familles. Ils sont accusés d’avoir été complices d’un trafic de drogue pendant un mois.
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, juillet 2024 Nicolas P. est accusé de violences volontaires sans interruption totale de travail (ITT) sur sa compagne et de menaces de mort réitérées. La présidente résume les faits : les policiers ont été appelés par un ami du couple, paniqué, expliquant que Nicolas P. avait annoncé qu’il allait tuer tout le monde.
Toulouse, chambre des comparutions immédiates, mai 2024 Esteban B., 23 ans, comparaît pour avoir vendu 60 € de cocaïne et en avoir détenu chez lui une centaine de grammes en récidive. Il a reconnu les faits mais a refusé de fournir aux policiers le code de son téléphone. Le président résume : — En garde-à-vue, vous avez dit que c’était pour rembourser une dette.
Multiplication des patrouilles de police et des audiences de comparution immédiate, nouvelles lois répressives : le dispositif sécuritaire qui se met en place à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris, du 26 juillet au 8 septembre, pousse à leur paroxysme les logiques à l’œuvre ces dernières années. Une dérive qui banalise l’incarcération et envoie toujours plus de personnes derrière les barreaux – au point que les prisons françaises sont déjà aujourd’hui proches de l’explosion.
Avec 389 places pour 705 détenus, la surpopulation carcérale de Béziers est à l’image de celle de la France. Fréquemment pointé du doigt par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la France se situe parmi les pire pays pour la densité la plus élevé en Europe, derrière Chypre et la Roumanie. Surpopulation carcérale résultat d’une répression judiciaire, à Béziers et ailleurs, et dont une des causes est le recours à la comparution immédiate. Comparution immédiate qu’il faudrait réduire selon le dernier rapport de la Cour des Comptes, car le risque d’incarcération est 8 fois plus important du fait de cette procédure.