MONTRES, FAUX PAPIERS ET FICHIERS DE POLICE : LE PROCÈS D’UN CANAL TELEGRAM OÙ TOUT AVAIT UN PRIX

Mediapart


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Le 4 mars 2024, deux policier-ère-s adjoint-e-s (c’est à dire des contractuel-le-s) seront jugé-es pour avoir vendu des informations qu’iels avaient extraites de fichiers de police à des personnes qui les revendaient sur Telegram.

Séphora, 31 ans, travaillait au commissariat d’Ermont (Val d’Oise). Elle a été repérée grâce au fait qu’à chaque fois qu’un policier ou une policière consulte un fichier, il ou elle doit indiquer son identifiant. Elle livrait des fiches à un certain Karim, pour 50€ par fiche. Celui-ci communiquait ensuite les fiches au gérant du réseau Telegram. Elle reconnaît avoir ainsi communiqué plus de 300 fiches, et a déclaré être consciente qu’elle « aidait probablement des malfaiteurs à savoir s’ils étaient recherchés ». Par ailleurs, contre 250 € elle passait régulièrement au fichier le nom d’un certain Kévin et de membres de sa famille, et cela a permis à un homme impliqué dans un affaire de « go fast » de prendre la fuite, la veille du jour où on avait programmé son interpellation.

Séphora a déposé des milliers d’euros en espèces sur son compte en banque. Elle s’était vantée de « faire de l’argent avec son métier ». A l’IGPN, elle a déclaré être une acheteuse impulsive. Elle a été placée sous contrôle judiciaire, ce qui a pour conséquence qu’elle ne peut plus travailler dans la police. Mais elle est devenue éducatrice…

Son collègue Yassine, également policier adjoint, au commissariat de Châtenay- Malabry cette fois, fournissait, contre de l’argent, à un certain Florian des informations tirées des fichiers. Il estime avoir ainsi gagné environ 900 €. Il affirme avoir livré de fausses fiches dans 3 cas sur 4. Il s’apprêtait à passer le concours de gardien de la paix.

Ce genre d’acte ne semble pas rarissime. En 2023, un policier parisien a été mis en examen pour avoir vendu plusieurs centaines de fichiers sur Telegram. Selon la directrice de l’IGPN, Agnès Thibault-Lecuivre, « l’émergence d’un nouveau phénomène : la consultation illégale de fichiers, avec une grande facilité pour certains policiers qui, depuis chez eux, sans jamais avoir une rencontre physique avec le corrupteur, proposent la vente de fichiers sur des messageries de type Telegram ».

La transmission illégale d’informations tirées des fichiers de police, à des détectives privés ou des voyous, est un phénomène très ancien.