UN POLICIER MIS EN EXAMEN POUR « VIOLENCES » APRÈS LES RÉVÉLATIONS D’UN JOURNALISTE INFILTRÉ

Mediapart


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Note de lecture
Valentin Gendrot est un journaliste qui s’est infiltré dans la police pendant 2 ans. Il en a tiré un livre intitulé « flic » publié en septembre 2020. Il y parle, entre autres choses, de racisme et d’actes violents commis par les policiers avec lesquels il travaillait.

Notamment, il décrit cette journée du 12 avril 2019 où avec 3 collègues, il intervient pour faire cesser le bruit causé par quelques jeunes qui écoutent de la musique en bas d’un immeuble. L’un de ces policiers, Marc F., frappe deux frères dont le plus âgé a 17 ans, notamment dans la voiture de police, puis dans les locaux du commissariat pour la simple raison que le jeune refusait de s’asseoir. Celui-ci, dès sa première audition en garde à vue a déclaré que marc F. lui a donné des coups de poing, l’a étranglé et traité de fils de pute. La médecine légale va constater un hématome de 3 cm à une arcade sourcilière et une écorchure au cou.

Le jeune ne porte pas plainte, mais dès la sortie du livre, Didier Lallement, alors préfet de police de Paris, signale le problème, ce qui déclenche une enquête de l’IGPN puis en mai 21, une enquête judiciaire.

Le policier Marc F. a alors été mis en examen pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » sur deux adolescents. Face au juge d’instruction, il a contesté toute violence illégitime. Mais Valentin Gendrot a alors transmis à la justice des enregistrements de ses collègues qu’il a réalisés à leur insu. Dans ces enregistrements on constate que Marc F. déclare à ses collègues qu’il a donné des coups et, entre autre, il dit avoir « mis une patate » au jeune qui refusait de s’asseoir. Face au juge, il reconnaîtra seulement une « percussion » au visage. Mais n’oublions pas que, jusque là, ce policier est présumé innocent.

Signalons quand même que Marc F. est visé par une autre enquête pour violences, commises 8 mois plus tard, sur une personne arrêtée, Mehdi B., qui saignait du nez, de la bouche, présentait des traces au visage et qui a eu trois jours d’ITT. Mais aussi, Marc F. a déposé 7 plaintes pour outrage ou rébellion en 3 ans et demi.

Toujours dans cette affaire de violence du 12 avril 2019, Marc F. est aussi inquiété pour « faux en écriture publique ». Dans le procès verbal de l’interpellation, signé des 4 policiers, il n’est pas fait mention de coups, mais seulement d’un « usage de la coercition de façon proportionnée » et seul Valentin Gendrot reviendra sur cette version face au juge d’instruction. Marc F. démentira avoir rédigé un faux, disant que s’il manque des choses, c’est probablement un oubli. Mais là aussi, face aux enregistrements fournis par Valentin Gendrot, il reconnaîtra que ce procès-verbal a été rédigé sous sa dictée, alors que, dans la mesure où il se disait victime d’outrage dans cette affaire, il ne devait pas participer à la rédaction de ce document. Marc F. a déclaré : « Forcément, on se concerte entre nous sur l’interpellation, le lieu, on peut aussi se corriger entre nous. ».

Marc F. est toujours en poste et il est devenu pilote de drone pour la préfecture.

Le livre de Valentin Gendrot relate une demi-douzaine d’autres violences illégitimes commises par des policiers. L’IGPN essaie d’identifier les policiers concernés, mais tous ceux qui ont été interrogés nient qu’il y ait eu violence.

D’un autre côté, Valentin Gendrot a été mis sous statut de témoin assisté. En effet, la justice lui reproche deux choses. D’abord d’avoir tenu le bras du jeune, dans la voiture de police, pendant que Marc F. le frappait : il serait donc complice de cette violence. Et ensuite d’avoir, lui aussi, signé le faux procès-verbal. Il se défend en déclarant qu’une infiltration implique de « se fondre dans un collectif » et d’adopter les codes du groupe. Un inspecteur de l’IGPN lui demande alors : « si une personne fait une hémorragie interne ensuite, vous allez dire que ce n’est pas de votre responsabilité, car votre boulot c’était de vous fondre dans un collectif ? ». Cette affaire peut aboutir pour le journaliste à un non-lieu comme à une mise en examen.

Les anciens collègues de Valentin Gendrot, eux estiment qu’il les a trahis en s’infiltrant parmi eux. Ils disent que lorsqu’il était dans leur groupe, il s’est comporté comme une « poule mouillée » et qu’il n’était qu’un tire au flanc, un poids mort et qu’il les a salis. Ils ont déclaré aux enquêteurs que son livre est « un torchon, un polar bas de gamme » et Marc F. a dit « Son bouquin est de la propagande anti-flics,… c’est de l’idéologie pure et dure », « Ce genre de livre me donne envie de vomir. »

De son côté, l’IGPN parle de la « démarche partisane » du journaliste et de sa « propension évidente à l’exagération ». Cependant, l’enquête interne a amené quelques sanctions, même si elles sont légères : trois jours d’exclusion avec sursis pour Marc F., un blâme pour trois autres.