SUICIDE D’UN DÉTENU QUI A JETÉ UN COCKTAIL MOLOTOV SUR UN GENDARME : L’ÉTAT CONDAMNÉ

Le Journal de l’Orne


Article presse gratuit disponible

Note de lecture

Dylan était détenu à Argentan (Orne) lorsqu’il avait déjà intenté à ses jours par pendaison. Il avait alors été interné en hôpital psychiatrique pendant huit jours, puis renvoyé en prison.

Mais deux semaines plus tard, il s’est suicidé. Il avait 22 ans. Le tribunal administratif a estimé que les services pénitentiaires ont manqué de vigilance et qu’il s’agit là d’une faute qui engage la responsabilité de l’Etat.

Dylan avait été incarcéré en juillet 2015. Le 8 août 2016, on a découvert sur son poignet et sur son cou des marques qui montraient qu’il avait tenté de se suicider. Suite à ces faits et vu son état psychologique il a été reçu en consultation au centre hospitalier d’Argentan où les médecins ont décidé d’une hospitalisation sous contrainte au Centre psychothérapeutique de l’Orne (CPO) qui prend en charge les détenus. Là, après quelques jours un expert écrira qu’il apparaissait « calme et avec un regard critique sur son geste et qu’il souhaitait retourner en prison ». C’est ce qui sera décidé : il ne sera resté qu’une semaine au CPO, « compte tenu de l’amélioration de son état de santé psychique ». Il est renvoyé en prison à Argentan.

Il refuse alors de prendre les médicaments qui lui ont été prescrits et il refuse de rencontrer le psychologue de la prison. Dès ce retour en prison, les surveillants relèvent son comportement anormal et il leur déclare que sa vie est trop dure. Cette fragilité psychologique est à nouveau repérée le 19 août en raison de ses propos lors d’une conversation au téléphone avec ses proches, et cela est signalé au directeur adjoint de la prison. Malgré tout cela, il n’a pas fait l’objet d’une surveillance renforcée et le suicide est survenu.

La famille estimait que la responsabilité du CPO était engagée dans la mesure où il n’avait pas donné de consigne au sujet du traitement médicamenteux qu’il devait suivre lors de son retour en prison. Le CPO, lui, estimait qu’avant son retour en prison, « il ne présentait plus aucun risque de passage à l’acte suicidaire » et que la faute repose sur l’unité de soins du centre de détention. Le tribunal administratif a mis hors de cause le CPO, un expert ayant déclaré que « l’état de santé s’était amélioré de façon prévisible compte tenu du traitement administré ». Quand à l’unité de soins du centre de détention, le tribunal a noté que l’instruction ne permet pas d’affirmer qu’il avait averti le chef d’établissement au sujet du danger d’un arrêt du traitement.

La famille demandait 85 000 € de dédommagements. Le tribunal administratif a décidé que l’administration devra verser 20 000 € à la mère de Dylan « compte tenu en particulier de sa forte implication auprès de son fils », 10 000 € à chacun de ses deux frères et 5000 € à chacun de ses grands-parents qui avaient prévu de l’héberger à sa sortie de prison (qui devait d’ailleurs être proche) ainsi que 1 500 € pour les frais de justice.

Le ministère de la justice, espérant ainsi ne pas avoir à indemniser les grands-parents, a déclaré qu’il n’y avait « pas de liens réels et effectifs » entre Dylan et eux. Le tribunal en a jugé autrement.

Dylan avait été condamné, en juillet 2015, à 6 ans de prison, pour avoir, en 2012, jeté un cocktail Molotov sur un gendarme* qui intervenait chez lui à La Chappelle-Bouëxic en Bretagne. Il avait alors 18 ans. Ce gendarme avait été grièvement brûlé.